La maison en pisé est construite, sans fondation, sur un soubassement composé de briques, de pierres ou de galets en fonction des disponibilités locales. Ces matériaux étaient hourdés avec du sable lié à la chaux. D’une hauteur variable, ce soubassement permettait de protéger les murs contre l’humidité car celle-ci était, pour ainsi dire, drainée et évacuée par évaporation.
Les murs intérieurs étaient badigeonnés à la chaux aérienne, une chaux plus souple et plus respirante (perspirante) que la chaux hydraulique.
L’habitat était réduit. Les anciens vivaient alors dans un monde chiche et de peu de biens. L’essentiel du bâtiment était affecté aux tâches agricoles ou servait de remise. Les matériaux de construction provenaient de ressources naturelles peu transformées. Ils composaient avec l'humidité grâce à leur caractère capillaire et perméable.L’apparition du ciment, des revêtements étanches et, plus tard, de l’isolation avec un doublage intérieur des murs en pisé font peser, encore aujourd’hui, un risque important de mauvaise conservation des parois réalisées avec ce matériau sensible à l'humidité.
L’image ci-contre illustre quel genre de revêtement nous trouvons dans les maisons en pisé de la Dombes ou de la Bresse avant que nous les réhabilitions: une première couche de polystyrène, 2 couches de peinture plastifiante étanche, un enduit ciment: qui dit mieux?
Les revêtement étanches enferment l’humidité qui s’accumule dans le mur sans pouvoir s'en échapper. Cette humidité est accentuée par les dalles en béton insuffisamment ventilées et posées sur un film plastique sensé la contenir: l'eau du sol est rejetée en périphérie du dallage jusqu'aux pieds des murs qui l'absorbent par capillarité. Rapidement, l'humidité gagne en hauteur au delà du soubassement dont les liants anciens vont se déliter et fondre sous sa pression.
Comme l'humidité ne trouve toujours pas d’échappatoire, celle-ci gagne désormais le pisé qui subit une pression importante à son point de rencontre avec le soubassement.
Il existe de nombreuses autres causes de l'humidification des parois en pisé (vapeur d'eau en face interne, projection d'eau de pluie, fuite en toiture, trottoir asphalté ou en béton, configuration du terrain, etc.). Il conviendra d'en saisir précisément l'origine, par exemple à l'occasion d'une visite conseil, avant d'entreprendre de quelconques travaux.
Les illustrations de cet article proviennent d’une réhabilitation d’habitation en pisé dans la vallée de la Reyssouze en Bresse. La pathologie humide du pisé y est relativement spectaculaire. C’est pourtant un cas courant qui devrait appeler l’attention des professionnels de la rénovation dans les régions de pisé.
Côté intérieur, avant travaux, rien d’alertant n’éveille l’attention pour un oeil non averti. Bien sûr, la sensation de froid est présente tout l'hiver, l'air est vicié et donne une perception de moiteur et de renfermé. Toutefois, la pièce ne révèle rien de l'état des murs.
L’avantage des plaques de plâtre? C’est de cacher la misère! Dernière rénovation, signée de notre époque, avant que le piquage des couches successives de peinture plastique et de l’enduit ciment ne dévoile enfin le pisé d’origine libéré de son carcan étanche.
Des époques différentes, mais les mêmes erreurs continuent à être perpétrées avec autant de risques pour les structures en terre ou en pierre des maisons anciennes. Les plaques de plâtre sont déposées mais le pisé reste « étouffé » par une épaisse couche de ciment recouverte de plusieurs couches de peinture étanche.
La dalle en béton a été posée directement sur le sol. Ce n'est pas sans conséquence sur les murs en pisé des terrains humides. Une partie de l'humidité accumulée s'échappe par capillarité dans les murs périphériques mais elle se retrouve bloquée par les enduits étanches de part et d'autre des parois en pisé. L’essentiel de l’humidité est contenue sous la dalle qui donne une perception froide et humide.
Le piquage du ciment à l'intérieur et à l'extérieur des murs en pisé est indispensable afin de permettre l'évaporation de l'humidité contenue dans les murs. Le pointillé rouge illustre la hauteur de l'humidité révélée le jour du piquage des enduits ciments. Une semaine après, la courbe s'est déjà abaissée en surface d'une cinquantaine de centimètres.
Le soubassement est extrêmement humide. Les pierres sont désolidarisées. Elles nécessitent d'être liées à nouveau à la chaux. La limite souvent critique entre le soubassement et le pisé est aussi très altérée par l'humidité.
C'est une véritable coque de plusieurs centimètres de ciment fondu qui emprisonnait le mur en terre crue de cette habitation. Le résultat est un pisé en état de dégradation avancé, un soubassement à reprendre de façon localisée et plusieurs semaines de séchage avant la moindre intervention.
Le pisé est devenu malléable comme de la pâte à modeler sur les premiers centimètres en contact avec le ciment.
Même constat à l'extérieur: l'évaporation de l'humidité est bloqué par une épaisse couche de béton, jusqu'à plus de 10 cm! Le pisé est creusé, non homogène et localement humide à proximité du soubassement. Le séchage en surface est cependant rapide.
Historiquement, le pisé n’était pas enduit. Le soubassement jouait son rôle de drainage de l’évaporation. L’eau des toitures n’était pas recueillie par des chêneau mais elle se répandait uniformément sur un terrain qui l’absorbait ou l’éloignait du bâtiment.
Le pisé est un matériau tendre nécessitant des chaux tendres et souples. Nous préférons les chaux mélangées sur chantier aux mélanges adjuvantés du commerce. Le corps d’enduit de cette maison de la Dombes a été réalisé ce printemps 2016. A notre demande, l'artisan n'a pas employé de grillage galvanisé. La bonne accroche de la chaux est conditionnée par une préparation soigneuse du pisé.
Les remarquables qualités hygrothermiques du pisé pourront être très avantageusement valorisées par l’application d’une correction thermique: inertie conservée, capacité calorifique élevée, perspiration et régulation de l’hygrométrie vous offriront un confort thermique inégalé!
Coulage d'une dalle de chaux et de billes d'argile expansé de type Laterlite lors de la réhabilitation d'une maison en pisé proche de Châtillon-sur-Chalaronne dans l'Ain. Le drainage est assuré par 15 à 20 cm de verre cellulaire, un matériau isolant imputrescible et très résistant à la compression. Un drain d'air en parfait la fonction drainante.
Atelier-CHEVILLOTTE Pierrick Chevillotte Architecte d’Intérieur, diplômé de l’Ecole CAMONDO en 1997. Mutuelle des Architectes Français - 385955/S.
Une agence d’architecture intérieure et de maîtrise d’œuvre dédiée à la rénovation du bâti ancien en pierre ou en pisé, les solutions saines et écologiques pour l’habitat, l'amélioration énergétique et le petit habitat passif.
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